Connaissez vous le concept d'Expérience Patient, une clé du système de santé de demain?

A la découverte de ce concept avec Amah KOUEVI, Directeur de l’Institut Français de l’Expérience Patient (IFEP).

Publié le 16 novembre 2020

Amah KOUEVI nous présente l'Institut Français de l'Expérience Patient (IFEP) dont la mission est de promouvoir le concept d'expérience patient en France et de faire de ce concept un levier de transformation du système de santé français.

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« L'expérience patient », de quoi parle-t-on ?

Amah KOUEVI

L'IFEP définit l'expérience patient comme l'ensemble des interactions et des situations vécues par une personne ou son entourage au cours de son parcours de santé. Ces interactions sont façonnées à la fois par l'organisation de ce parcours mais aussi par l'histoire de vie de la personne concernée. Une définition inspirée par le Beryl Institute https://www.theberylinstitute.org/default.aspx

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Qu'est-ce que l'Institut Français de l'Expérience Patient ?

Amah KOUEVI

L'IFEP est une association de loi 1901 qui a vu le jour en 2016. Cette structure est ouverte à tous et regroupe à ce jour plus d'une centaine d'adhérents qui se caractérisent par leur grande diversité : particuliers intéressés par l'évolution du système de santé, patients / usagers du système de santé, professionnels de santé, associations de patients, établissements de santé, sociétés savantes et également entreprises évoluant dans le secteur.

L'IFEP poursuit 3 objectifs :

  1. La promotion / sensibilisation autour du concept d'expérience patient : expliquer au plus grand nombre ce que ça recouvre et pourquoi ça représente un enjeu.

  2. Développer les connaissances sur l'expérience patient, sur les méthodes pour mieux la prendre en compte et l'améliorer, ce qui passe notamment par un travail de veille aussi bien en France qu'à l'international.

  3. Et l'institut est également dans une démarche d'appui, d'accompagnement et de formation des professionnels de santé qui souhaitent se lancer dans l'amélioration de l'expérience des patients au sein de leurs structures et de leurs organisations.

À cet égard, nous avons des échanges réguliers avec les Structures Régionales d'Appui (SRA) à la qualité des soins et à la sécurité des patients. Ces structures travaillent notamment sur les enjeux de qualité et de sécurité de la prise en charge.

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Pouvez-vous nous présenter le dispositif proposé par l'IFEP ?

Amah KOUEVI

L'IFEP a conçu un dispositif de formation-action à destination des équipes soignantes des établissements, qui forme à la fois des responsables et directeurs qualité, des cadres de santé, des infirmières, des médecins...

L'enjeu est de faire en sorte qu'au sein d'un maximum d'établissements puisse se développer un réseau de personnes ressources qui aura été préalablement formé à la collecte, l'analyse et l'exploitation de l'expérience patient.

Et la collecte de l'expérience patient est quelque chose qui ne s'improvise pas : on peut penser que s'enquérir du vécu des patients c'est quelque chose de tout à fait anodin, quotidien et simple, mais ceci est démenti par la réalité. On se rend compte, à chaque nouvelle formation, que la méthode de recueil de l'expérience patient qui repose sur des entretiens qualitatifs non dirigés avec les patients est quelque chose de tout à fait original auquel l'immense majorité des professionnels n'est pas préparée. Ce dispositif démontre une valeur ajoutée dans la perception que les professionnels peuvent avoir de ce qui advient aux patients. L'IFEP est dès lors renforcé dans son enseignement et son savoir-faire, à savoir que favoriser la collecte de l'expérience des patients au travers des entretiens devient un enjeu clé pour les professionnels de santé.

L'IFEP propose une méthode. Collecter l'expérience patient suppose une posture, une façon de faire qui nécessitent une préparation et un entraînement. C'est ce que l'institut délivre aux professionnels des établissements de santé, de manière à ce qu'ils mettent en place cet exercice dans les meilleures conditions requises pour les patients et aussi pour en tirer le maximum d'enseignement, pour eux-mêmes et pour leurs équipes au sein de leurs structures.

On s'en rend compte très tôt dans la démarche, les professionnels demandent « quelles questions on va pouvoir poser ? », « comment on va faire parler les patients ? ». Or, les patients, pour peu qu'on leur explique l'enjeu qu'il y a à partager leur vécu, non seulement ils s'y préparent, mais ont souvent énormément de choses à dire et on peut même parfois avoir du mal à les arrêter. Et en plus de trouver la démarche tout à fait intéressante, pertinente et bienvenue, ce dont ils sont reconnaissants envers les professionnels qui les sollicitent, ils ont en plus de cela la volonté d'être utiles pour les autres patients. C'est une démarche qu'on peut appréhender avant de l'avoir conduite, mais qui, en réalité, une fois qu'elle démarre, est extrêmement fluide, pas toujours facile mais fluide, et qui, pourvu qu'on y soit préparé, est mutuellement enrichissante.

Ce dispositif se déploie en fait en 3 temps :

  • Un premier temps de formation-action (1er module de formation : 1 journée 1/2 ) qui consiste en la formation et l'entraînement des professionnels à réaliser des entretiens avec les patients.

  • Un second temps pour permettre aux professionnels, une fois de retour dans leurs établissements, de mener ces entretiens avec de « vrais » patients : c'est la mise en pratique.
    Ce qui est visé dans le choix des patients ce n'est pas la représentativité, mais bien la diversité. On va solliciter des patients sur un parcours de santé donné.
    Par exemple, on peut vouloir s'intéresser à des patients hospitalisés en provenance des urgences, parce qu'on sait que, dans certains établissements, l'aval des urgences constitue un point de tension. On va, au terme de l'hospitalisation, entrer en contact avec des patients ayant eu ce parcours et, indépendamment de la manière dont ça s'est passé pour eux - il ne s'agit pas d'avoir un groupe de patients pour lesquels ça s'est « bien » ou au contraire « mal » déroulé. On constate qu'avec un groupe de 10/12 patients on a déjà, pour ces entretiens qualitatifs, une matière extrêmement riche et complémentaire.

  • Un troisième temps où les participants se retrouvent en configuration de formation (2nd module de formation : 1 journée) pour faire un retour d'expérience sur la manière dont ces entretiens se sont déroulés et surtout voir ensemble comment les équipes peuvent en tirer profit.

C'est la raison pour laquelle on parle de formation-action. On aurait pu envisager une formation en une fois, de manière traditionnelle, mais notre objectif, notre « obsession », c'est que cela soit utile et débouche sur quelque chose au sein de l'établissement. Pour cela, il faut une mise en pratique et il faut ensuite pouvoir revenir et dialoguer sur cette mise en pratique, sur les enseignements que l'on peut en tirer et voir comment cela peut se prolonger par la suite.

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Où en êtes-vous du déploiement de vos formations ?

Amah KOUEVI

L'IFEP, comme beaucoup d'autres acteurs, a été perturbé dans ses missions par l'épidémie de Covid mais, depuis la reprise au mois de septembre, l'institut a pu entamer sa quatrième session de formation et est reparti sur un rythme soutenu.

Auparavant plusieurs établissements avaient déjà été formés et on va d'ailleurs dorénavant mettre l'accent sur les formations inter-établissements - ce qu'on a fait au mois de septembre - et qu'on va renouveler au mois de janvier prochain, de façon à ce que des professionnels d'établissements différents puissent avoir accès à ce type de savoir-faire et profiter de la séance de formation pour faire du partage d'expérience avec des professionnels issus d'autres structures.

Le dispositif de formation est proposé aussi bien en intra, c'est-à-dire pour plusieurs professionnels d'un même établissement ou groupe d'établissements, et en inter, pour des professionnels, si possible en binôme a minima, qui viennent d'établissements différents.

  • En intra-établissement : l'enjeu, à travers une douzaine, voire une vingtaine de professionnels, est de pouvoir déjà constituer un embryon d'une culture de prise en compte de l'expérience patient. L'objectif étant de fédérer, à partir d'un nombre significatif de professionnels, un réseau de personnes ressources sur lesquelles l'établissement va pouvoir s'appuyer. C'est le principal avantage de former plusieurs professionnels d'une même structure.

  • En inter-établissements : des participants qui viennent se former et qui sont en contact avec d'autres peuvent mesurer également le chemin à parcourir, non seulement pour leur structure, mais pour d'autres et donc en apprendre sur différentes façons d'aborder la question et peut-être aussi de se sentir soutenus par un réseau de pairs, qui sont confrontés aux mêmes difficultés dans leurs établissements.

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Quel est le nombre de cycles annuels de formation actuellement ?

Amah KOUEVI

Hors période de crise sanitaire, l'IFEP propose 3 sessions en inter-établissements et 10 sessions environ en intra-établissement.

La prochaine session va démarrer en inter-établissements en janvier 2021 : les 7 et 8 janvier pour le 1er module et le 1er avril pour le 2nd module, après la mise en pratique par les professionnels sur leurs établissements respectifs.

Une formation-action qu'il est difficile d'envisager à distance, en faisant l'économie de la rencontre. Une réflexion est toutefois en cours pour faire le 1er module en présentiel (car il correspond à la préparation à l'entretien avec des jeux de rôles, des simulations d'entretiens...) et le 2ème module à distance (retour d'expérience).

L'avantage de la formation à distance est en outre de pouvoir associer, dans chaque établissement, d'autres personnes que celles qui sont venues au 1er module : il y aurait peut-être même un intérêt à faire le 2nd module systématiquement à distance.

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Que pensez-vous de la méthode de Design Thinking pour modéliser l'expérience patient ?

Amah KOUEVI

C'est intéressant parce qu'il y a effectivement plusieurs manières de faire et, ce qui compte, c'est la perspective, c'est de donner corps à la perspective du patient.

Dans le dispositif de formation-action de l'institut, on met l'accent sur les entretiens avec les patients et la capacité qu'ont certains professionnels à leur donner la parole et la vertu de cette approche c'est que les professionnels vont entendre en direct de la part des patients ce qu'ils ont vécu et, avec leur regard de professionnels, ils vont déterminer la meilleure manière d'en tenir compte. Cela n'a pas de prix car, bien souvent, on s'arrête aux constats et on n'arrive pas à passer à la phase de plan d'actions où on tire les enseignements de ce que l'on a entendu dans la phase de constat.

Le Design Thinking et, d'une manière générale quand on parle d'expérience utilisateur, c'est quelque chose d'assez approchant, c'est cette idée que si vous voulez améliorer un service quel qu'il soit, et c'est valable aussi pour une prise en charge, il n'y a pas de meilleure manière que de le faire avec le bénéficiaire de ce service ou de cette prise en charge. Le design c'est quoi si ce n'est la mise en adéquation des attentes d'un utilisateur avec le produit ou le service qu'on va lui proposer. Ça a donc toute sa place dans une démarche de prise en compte de l'expérience des patients puisque tout l'enjeu est bien de faire émerger les problématiques auxquelles sont confrontées les patients et de trouver des solutions qui soient ergonomiques, faciles et véritablement mises en place parce que les professionnels de santé vont aussi y adhérer. Et pour qu'ils y adhèrent, il faut que ce soit compatible avec leur environnement de travail. Il faut que ce soit réaliste, pratique, pragmatique et c'est vrai que le design peut apporter cette touche.


L'expérience patient :


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